mercredi 16 février 2022

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On ne cherche pas à se le représenter, préférant, de façon informelle et désintéressée, l'oublier sans y prêter la plus négligée des attentions, mais les affres des hommes, les vrais, ceux qui, au long des nuits et du temps, ont déchiré les âmes, ont commencé ce jour où, faute de la bravoure nécessaire pour continuer à vivre en voyageant, ils se sont posés, las, et décidèrent d'appeler sagesse cette absence de volonté.

Et c'est ainsi, dans une insipide prostration à la lueur d'un feu coutumier, qu'ils avaient choisi d'entretenir plutôt que leur opiniâtreté, que, chaque nuit, chaque moment opportun durant lequel les astres s'affichent pour guider les explorateurs, ils avaient délibérément choisi de les observer, immobiles, laissant ces célestes lueurs leurs cracher au visage cette immobilité qu'ils avaient enviée. Et de cette oisiveté permanente, de cette sédentarité qu'ils firent art de vivre, naîtrait, de la plus inexorable et malhonnête des manières, l'embryon de l'immorale mélancolie.

Car tout ce qui naît de l'oisiveté contribue à la renforcer.

Et tout rêve éperdu, toute pensée qu'on imagine féconde, tout royaume imaginaire, toute fantasque brume renfermant d'indicibles secrets, toute poussière onirique, créée dans l'abandon à sa paresse tend à glorifier cette posture de statue de sel sous le défilement du temps.

Et ainsi, aujourd'hui, dans notre ère chatoyante de sophistication, elle revêt l'aspect de cette mélancolie de l'âme, de ces exaltations insouciantes de parfums de plantes jamais senties, de paysages jamais observés ou de complaintes jamais écoutées, comme des échos ancestraux d'un mal de l'esprit jamais guéri, de réminiscences persistantes d'envies de luxure naturelle, de curiosité savante jamais assouvie, d'un trou dans l'égo, une blessure qui ne cicatrisera, à jamais.

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