vendredi 4 mai 2007

Veridis Quo

Ce qu'il ya de formidable, avec la poésie, c'est que, dans l'époque actuelle, notre époque chérie, ceux qui s'en disent les derniers défenseurs, les représentants les plus fidèles, en sont également les bourreaux.

Sans revenir sur la définition, sur laquelle on peut quand même nourrir certaines frustrations, aujourd'hui, qu'est-ce que c'est devenu ?

On voit pulluler, ici et là, des regroupements de post-hippies sur le retour, ou des amas d'étudiants littéraires en mal de sensations, avec une espèce de fibre jmenfoutiste qui ne vole pas haut.

Qu'est-ce que ça donne ? Des regroupements dans des espèces de lieux sordides, affublés du nom récurrent de "Cave", sans doute pour l'aspect underground fashion qui est apparu il y a quelques années, et peut être parce que ça fait classe ? Va savoir.

S'ensuit une espèce de cérémonieuse lecture épisodique de ce que chacun veut bien lire, devant ses semblables. Bien sur, chacun de ses "exposants" dira qu'il est heureux de faire ça, de partager toutes ces choses "qu'il a écrites avec son sang, en saignant son âme, pour en retirer une encre poétique incomparable".

Vous me direz, ça peut paraître vâchement pessimiste et noir comme vision de la chose, mais comment la voir autrement ? Comme le dernier bastion occidental de la libre pensée et de l'expression des désordres de l'âme ? Pompeux quand même.

Ce qui est drôle dans ce phénomène, drôle .. et dangereux en même temps, c'est leur inconscience. Ils sont inconscients, inconscients de ce qu'ils font, de leur normalisation de la poésie sous une forme estudiantine pseudo libertaire, soi disante supra-réaliste, et dont ils, eux, les poètes, sont les représentants, une espèce de caste aux idées de liberté et de discours ressassées depuis plusieurs générations déjà, à chaque fois dans une espèce de cadre similaire.

A fortiori, qu'est-ce que ça peut donner ?

Si on les écoute, on ne retiendra que trois choses :

1) ceux qui voient ça comme le dernier rempart contre une société décadente, le dernier centre de la beauté et de la compréhension vraie du sens de la vie et de ce qu'elle apporte.

2) ceux, un peu plus couards, qui sont là pour lire leur texte, mais attention, ce n'est pas n'importe quel texte, c'est une partie d'eux mêmes qu'ils auront dû s'arracher dans la douleur, ce qui en fera quoiqu'il arrive un texte supérieur, un texte bien, un texte incritiquable.

3) ceux, enfin, qui ne savent pas véritablement ce qu'ils font là, mais qui sont d'accord pour suivre cette espèce de mode résistante, parce que "ça fait bien d'y participer"

Voilà un semblant d'état de la poésie moderne et bon marché.

On comprend assez pourquoi pas mal de ces gens se sont tournés vers eux mêmes et leurs émotions comme centre créateur de leur poésie qui décoiffe, en effet, dans un univers comme ça, tu ne peux compter que sur cette manière de faire, pour pouvoir préserver un minimum ce qu'il reste de dignité et d'égocentrisme.

Oh bien sur, devant un tel discours, on criera unanimement à l'attaque de la langue de vipère, du jaloux, car ils sont tous imbibés d'un énorme niveau d'humilité.
C'est sur, c'est on ne peut plus humble de parler de soi.

Que j'aime la naïveté, la naïveté, quelquepart, c'est une forme de poésie (tant qu'elle reste inconsciente)

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