lundi 26 février 2007

Exercice de Style : la Prima Nocte

Allées de Brienne, 2h14 du matin.

Un pas, deux pas..

-sombre-

Claquement de la porte d'entrée du batiment.."Bon beh .. Allez"

Ainsi commence la sacro-sainte marche de fin de soirée, celle qui me ramène chez moi, d'à peu près n'importe quel endroit où j'ai l'habitude d'aller..
Encore sous le porche, je passe vite fait la main, deux trois gouttes.. mouais.
On ferme la doudoune, on tâte ses poches pour dénicher le lecteur mp3, outil indispensable aux retours des nocturnes.

C'est bon..

Un dernier aperçu du temps, on passe la tête timidement.. le vent est assez violent.
Mp3 lancé, c'est parti.

Et le rituel commence..

On marche, on bifurque vite fait sur la gauche, au loin : Pont des Catalans.
La musique qui monopolise les oreilles, les pas vifs et alertes, la même pensée monotonique.. "maison"


"Putain de route".. je la connais déjà parfaitement, pour l'avoir souvent pratiqué sur une période relativement courte..

Les maisons défilent, la pluie frappe, la capuche claque.. le temps idéal pour aller se promener.

Ca en deviendrait presque mécanique..

"hop, première étape bouclée" je m'engouffre sur le pont, pas aussi beau que celui sur la gauche, mais on va pas faire la fine bouche par un temps pareil..
Dessous, la Garonne est déchainée.. "foutu temps"

Au long de ma traversée, mes pas se font moins rapides, moins enchainés, plus irréguliers.

-stop-

...

-personne-

Je reste là comme un con, perché sur la crète du pont, à m'apercevoir du vide autour de moi..
Rien dans un sens
Rien dans l'autre non plus
"Sympa"

On reprend la route, on finit le pont, on continue devant les Abattoirs, puis vient St-Cyp et la suite.. Même shéma avant d'arriver aux Abattoirs, on se stoppe, un doute, on vire un écouteur, le deuxième..

-pas un bruit-

Je reste quelques minutes à regarder autour de moi, je range maladroitement, fébrilement le lecteur, je me remets doucement en route.

Et c'est dans ces moments là que tout prend un sens, que tout prend un rôle, que tout s'ajoute, se coupe, s'associe, s'unifie pour donner ce charme imprononçable

Les bruits des pas, tantôt sur le sol lisse et rugueux, tantôt sur une des flaques qui tapissent la chaussée, cette irrégularité musicale, cette batterie qui donne le rythme, les gouttes qui percutent tout, flaque, béton, porte, fenêtre, vêtements, pour donner une incroyable variété de notes toutes uniques..
Avec au lointain les grésillement prononcés des feux pour piétons, pour rappeller que la voie est libre..
Ces grésillements marqués .. mais personne de présent pour les honorer.

On traverse St-Cyp, un coup d'oeil sur la route qui mène à Esquirol, un autre vers Patte d'oie.. vides, on ne distingue pas un phare.
Juste la nuit dans sa robe la plus sombre, toute striée par les gouttes qui la traversent, par milliers..

Cet enivrant parfum de frais, de renouveau.. les poumons qui en réclâment des bouffées et des bouffées, la lune juste au dessus..
La lune, jaunie, immobile, l'unique projecteur du théâtre

On hésite, on se sent bien, on avance de quelques pas, on fait demi tour, on revient, pour repartir
Finalement on entre dans la dernière ligne droite, les allées de Fitte et la pluie s'atténue, le vent cesse petit à petit de souffler, le calme revient.

On peine à marcher, la tête totalement immergée dans cette ambiance unique, comme celle qu'on a le matin après un doux rêve, quand l'état dans lequel on le vivait n'est pas encore descendu..

On cherche des traces, on en veut encore, on tourne la tête de tous les cotés, les oreilles ouvertes, les yeux ecarquillés et soucieux, les sens en éveil ..

mais rien..

Reste cette odeur de frais, ce parfum de renouveau, de pureté.. Et ces quelques oiseaux nocturnes, ou qui viennent de se réveiller..

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